Pourquoi nous imposer de recourir aux modes alternatifs de résolution des conflits ?

Cela fait plus de 10 ans que l’Ordre nous rabâche les oreilles avec les modes alternatifs de résolution des conflits. On nous parle sans cesse de la médiation, du droit collaboratif, de la conciliation, de l’arbitrage et de la tierce décision obligatoire et, depuis 2019, un cours CAPA est spécialement consacré à ces différents modes alternatifs.

Mais pourquoi donc nous imposer de recourir à d’autres modes de résolution de conflit que le judiciaire ?

Cette question est pertinente.

L’avocat est indépendant et décide librement, avec son client, de la façon la plus appropriée de résoudre le différend. Alors pourquoi vouloir nous convaincre de recourir à ces modes extra-judiciaires ?

Avant toute chose, parce que l’article 444, alinéa 2 du Code judiciaire oblige tous les avocats à :

  • informer leurs clients de la possibilité de résoudre leur litige via un mode de résolution amiable (médiation, conciliation, droit collaboratif, arbitrage, tierce décision obligatoire, négociation),
  • favoriser le recours à un de ces modes lorsqu’ils l’estiment envisageable en l’espèce.

Le respect de cette obligation est par ailleurs soumis à une forme de contrôle judiciaire puisque le juge peut interroger les parties, éventuellement sur comparution personnelle, sur la manière dont elles ont tenté de résoudre amiablement leur litige (art. 730/1 du Code judiciaire).

Les actions menées par l’Ordre pour former les avocats aux différents modes amiables de résolution des conflits, vise dès lors à permettre aux avocats de remplir leurs obligations légales.

Ensuite, parce que le tout au judiciaire est un réflexe révolu et qu’il existe aujourd’hui un éventail de modes de résolution des conflits avec lesquels nous devons nous familiariser. Tel un médecin qui prescrirait toujours le même traitement à ses patients, sans tenir compte de ses particularités (antécédents, symptômes, moyens…) et de l’évolution de la pharmacopée, un avocat qui conseillerait toujours à ses clients de régler leurs problèmes devant un juge, n’agirait pas en bon professionnel.

Enfin et surtout parce les modes alternatifs permettent de dégager des solutions sur mesure, rencontrant les enjeux essentiels des parties, qui conserveront la maîtrise de tout ou partie du processus, de son coût et de son tempo. Et que la satisfaction de nos clients est l’un des moteurs de notre profession.

Aucun mode de résolution des conflits n’est la panacée et il n’est pas question de transformer les avocats en gourou de la médiation ou du droit collaboratif ou en fanatique de l’arbitrage ou de la tierce décision obligatoire.

La panacée c’est d’avoir de choix de se diriger vers le mode le plus approprié possible, en fonction des enjeux économiques et humains du dossier.

Depuis plusieurs années, je participe aux actions menées par l’Ordre pour encourager les avocats à s’informer sur l’existence et le fonctionnement de tous les modes de résolution des conflits, qu’ils soient amiables ou décisionnels, afin de leur permettre de déterminer celui qui serait le plus approprié pour tel dossier, pour tel client.

Je suis en effet persuadée que la formation des avocats aux différents modes de résolution des conflits est nécessaire à la survie de notre profession car ces compétences resteront les nôtres quand les logiciels juridiques et autres intelligences artificielles gagneront encore du terrain.

De tout temps, le monopole de plaidoiries faisait de l’avocat la personne de référence en matière de résolution des litiges. Le recours de plus en plus fréquent aux processus extra-judiciaires (décisionnels ou amiables), nous impose de rester à la page si nous voulons que la résolution des conflits reste la spécificité de notre profession.

D’autres professionnels se spécialisent dans ces différents modes alternatifs. Ne nous laissons pas cantonner au judiciaire !