8 femmes. 8 vécus. 8 points de vue sur la place des femmes au barreau.

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, j’ai interrogé 8 consœurs au sujet de « la place des femmes au barreau », sans autre instruction que d’être brève.

La lecture de ces différents avis est très intéressante. Ils démontrent en outre que c’est dans la communication et l’échange des points de vue que des actions réellement utiles pourront voir le jour. 

Si je suis élue (vice-)bâtonnier, j’entends être à l’écoute de l’ensemble du barreau et exercer la fonction dans l’intérêt de la profession et non pour servir mes intérêts et mes idées.

Il est d’ailleurs temps de laisser la place à ces 8 consœurs que je remercie vivement d’avoir accepté de partager, en quelques lignes seulement, leur vision sur la place des femmes au barreau.

Melissa Sayeh 

La place des femmes au sein du barreau de Bruxelles reste un sujet complexe.

Un premier constat s’impose : certaines fonctions demeurent difficilement accessibles aux femmes. Je pense notamment à la fonction de bâtonnier ou à celle d’associée. La question de la disponibilité et de l’engagement étant davantage soulevée lorsqu’il s’agit d’une femme.

Les mesures proposées jusqu’à présent pour permettre aux femmes de mener de concert vie privée et vie professionnelle (création d’une crèche au palais, généralisation du télétravail,…) n’atteignent malheureusement pas cet objectif. Au contraire, elles conduisent à augmenter encore davantage la pression sur leurs épaules en leur imposant de continuer à gérer certaines tâches sur leur lieu de travail. Ces tâches ne sont pourtant plus l’apanage des femmes. Au contraire. Les initiatives visant à répartir adéquatement la gestion de ces tâches doivent être encouragées, même au barreau.

Enfin, la mise en place d’un « congé de maternité » reste trop timide au sein de nombreuses structures. Quant à la notion de « congé de paternité », elle est quasi-inexistante, favorisant ainsi l’inégalité entre les femmes et hommes tant en termes d’investissement qu’en termes de développement.

Un barreau moderne est un barreau en phase avec la société. Une évolution des mœurs est désormais nécessaire.

Marianne Warnant

Les femmes sont de plus en plus présentes au barreau et dans la magistrature. Elles sont même largement majoritaires dans certaines disciplines tel que le droit familial. 

Du point de vue de la quantité, nul doute que la proportion hommes-femmes est largement en faveur de la gente féminine dans le monde judiciaire. On les voit, on les entend, elles écrivent, enseignent , plaident et jugent. Un justiciable est souvent défendu par une femme contre son épouse, elle-même défendue par une autre femme, devant une Juge, une greffière, une représentante du Parquet…Cet homme dont le sort sera décidé « entre femmes », peut parfois se sentir démuni, voir défavorisé ou simplement face à une injustice flagrante de ce fait.

L’égalité à tout prix et la féminisation de la discipline sont de mise au détriment de la parité et de la représentativité de tous ce que je regrette…

Je regrette aussi qu’alors que tant de femmes sont avocates, beaucoup sont élues au conseil de l’Ordre où la parité est respectée mais JAMAIS aucune femme n’a été élue comme Bâtonnier. Pourquoi? Comment expliquer que rares sont les avocates qui se présentent comme candidates à cette fonction maîtresse? Comment expliquer que les femmes ne voteraient pas pour une candidate au lieu d’un avocat ? Je n’ai pas la réponse. Il est temps , et c’est peut-être le bon moment en cette période troublée, d’oser le défi, d’oser la nouveauté et le changement. J’ose espérer qu’une femme sera élue comme Bâtonnière et qu’elle pourra démontrer que la vraie parité et la représentativité objective sont nécessaires pour la justice.

Rosetta Albelice

Où sont les femmes ?

Aucune femme n’a encore été élue bâtonnière à Bruxelles, ce qui est significatif sur la place que nous, les femmes, occupons au Barreau.

Trop de femmes quittent la profession. Il est temps de faire halte aux préjugés et de faciliter la conciliation vie privée-vie professionnelle.

Confrère, Consœur, ne devraient pas juste être un titre parfois sans signification mais avec une vraie reconnaissance derrière !

Marina Blitz

“La femme est l’avenir de l’homme” a écrit Jean Ferrat dans un album paru en 1975 et plus de 45 ans plus tard, cet avenir n’est pas toujours advenu au barreau.

Trop de discriminations subsistent, notamment dans la rémunération à travail équivalent, pas de statut de la collaboration qui concerne pour l’essentiel les femmes et surtout pas de femme à la tête du barreau de Bruxelles, 3ème barreau francophone au monde et une seule femme, administrateur à l’OBFG. Une piste, en cette journée internationale de la femme, serait des quotas provisoires et des mesures transitoires de discrimination positive.

Katia Melis

La place des femmes au Barreau ?

Elle devrait tout simplement être la même que celle des hommes.

Cela implique un changement de mentalités et du système : une vraie égalité en termes de gestion et d’évolution de carrière ne sera possible que quand les hommes et les femmes auront le même congé de maternité/paternité et la même implication dans l’organisation familiale au quotidien (comme dans les pays nordiques, nous avons beaucoup de retard à cet égard !).

Séverine Vandekerkove 

Le métier d’avocat m’a permis de vivre un épanouissement professionnel et maternel.

J’ai tout de suite eu le feu sacré et je ne comptais pas mes heures tant j’étais passionnée par la défense de la veuve et l’orphelin et les combats contre l’injustice et pour des idéaux. Ensuite, je suis devenue maman et ma priorité a alors été ma fille. J’ai pu adapter ma façon de travailler, principalement à domicile, afin de m’en occuper lorsqu’elle était bébé. Durant toute sa scolarité, j’ai pu aller la déposer à l’école tous les matins et la reprendre à l’heure du goûter. Aujourd’hui ma fille a 19 ans et elle étudie le droit anglais et le droit européen à Londres et je peux donc me consacrer davantage à mon métier.

A mon estime, il y a tout à fait moyen de prendre sa place et de s’épanouir au barreau en tant que femme. Je me suis également formée en médiation et en droit collaboratif. Tout cela est très enrichissant. À 46 ans, je vais fêter mes 22 ans de barreau et j’ai la chance d’exercer un métier qui me tient à cœur.

Candice Fastrez 

De façon récurrente, de jeunes avocates stagiaires m’interrogent sur la faisabilité de rester avocat à l’issue de leur stage tout en construisant une vie de famille. Parfois, elles se sont simplement interrogées au moment de choisir leur carrière.  Souvent, cette question résulte d’un message négatif qui leur est véhiculé par leur maître de stage. « Mère et avocate : impossible ! ». Au lieu d’empêcher qu’elles deviennent mères, elles choisiront de ne pas rester avocates. Au nom de quoi ?

Naïve probablement, j’ignorais qu’un tel cliché pouvait encore leur être transmis à notre époque. Comme dans toute situation, la femme (et l’homme) s’adapte(nt). Pas moins qu’un homme avocat, la femme avocate peut mener, de front, carrière et vie de famille. Pas moins qu’une femme avocate, un homme avocat, peut mener de front, carrière et vie de famille.

Mélinée Nazarian 

Je pratique le droit de la famille depuis plus de 15 ans, ce qui m’amène à évoluer dans un environnement principalement féminin. La plupart des avocats que je rencontre et magistrats dans cette matière sont des femmes, ce que certains justiciables masculins ne manquent pas de relever avec une certaine appréhension, compréhensible. Toutes ces femmes comprendront-elles leur point de vue ? Ne vont-elles pas, même inconsciemment, favoriser leur épouse ? On est en tous cas (heureusement) bien loin de l’ « affaire Popelin » …

Mais ce microcosme ne peut cacher le fait qu’au barreau comme ailleurs, les femmes ne sont pas considérées comme les égales des hommes. Elles sont encore confrontées au mieux à des préjugés, au pire à des discriminations, voire des violences. Le féminisme proactif a donc encore toute sa place, même au barreau.